La méridienne d’Auguste Coutolleau

16 septembre 2025 - Jean Maillard

 

amicale histoire choletais Cholet
La méridienne : mise à l'heure de montres à la méridienne (1760)

Le 30 juin 1858, Gustave Richard, maire de Cholet, demande à Auguste Coutolleau « de placer le plus promptement possible le méridien qui doit être installé sur la maison de M. Roquet, [plus précisément ...] sur le mur mutuel entre lui et M. Vilain. »

Cette installation faite, sa prestation lui sera payée 45 F, numéro de budget 36 sur le registre des règlements de la commune en juin 1858.


Auguste Coutolleau

Quelques années plus tôt, en 1841, Auguste Coutolleau (1814-1889), « horloger mécanicien [...] est un jeune homme marié depuis plus d’un an avantageusement ; il est très sobre et paraît mériter la confiance », ainsi que le décrit un autre maire de la ville, Caternault. Natif de Montfaucon-sur-Moine, d’un père lui-même horloger mécanicien, il avait épousé en 1839 une Choletaise : Virginie Guibert. De ce mariage « avantageux » naîtront quatre enfants : trois filles et un garçon.

Installé au 42 de la rue Saint-Pierre, il vend, entretient et répare montres et horloges. En 1868, il est qualifié de « fabricants d’horloges ». Les établissements Bourgeois, Clément fils ou Morel, installés à Morez, capitale de l’horlogerie dans le Haut-Jura, où se fabriquent horloges comtoises et de bâtiments, ainsi que Jules Chalopin, ingénieur mécanicien, 26 rue du roi de Sicile à Paris sont ses fournisseurs. En mai 1864, le « serrurier mécanicien » choletais installe au Puy-Saint-Bonnet, « une horloge de cloches sonnant les heures et les demies, marchant huit jours sans être remontée [...] moyennant la somme de 700 francs et la vieille horloge » qu’il reprend. En 1838, son père, Anatole Coutolleau, avait installé l’horloge de l’église Notre-Dame à Chemillé au prix de 1 200 francs.

Durant les années 1850, il étend ses activités aux armes à feu. Ses compétences mécaniques lui permettent de les vendre, les monter ou les réparer. En 1857, il demande à « obtenir l’autorisation de tenir un débit de poudre afin de lui faciliter les moyens de vendre aux consommateurs des cartouches confectionnées pour les fusils se chargeant à la culasse ». Sa demande est appuyée par le maire, « le sieur Coutolleau habitant un quartier très éloigné des deux débits de poudre existant à Cholet et ayant un magasin toujours achalandé ». En 1863, il étend sa fabrication aux « cartouches à l’usage des fusils dits à bascule » dans son local habituel « paraissant convenablement approprié à cette destination ». En 1864, il reçoit « 13 canons de fusils doubles importés par le bureau de la douane à Paris ».

Son commerce lui permet de devenir assez rapidement « propriétaire de plusieurs maisons », garanties pour ses fournisseurs et clients. En 1862, le maire ajoute qu’il « est depuis longtemps dans les affaires et n’a jamais donné lieu à aucun reproche commercial. Il possède quelques propriétés qui le mettent dans une position assez aisée. Il passe généralement pour un honnête homme et mérite la confiance. »

Qualifié parfois de serrurier ou d’arquebusier, en raison de son activité d’armurier, Auguste Coutolleau n’abandonne pas l’horlogerie. A compter de 1856, il « réglera l’horloge de Notre- Dame, moyennant 90 francs par année, laquelle somme sera payée moitié par la fabrique et moitié par la commune ». A partir du 1er juillet 1865, il « monte et règle » les horloges de l’église de la paroisse Notre-Dame et de celle de Saint-Pierre ». Ce qui nous ramène au méridien.

 

Le méridien

Le méridien que doit installer notre horloger désigne en fait une « méridienne » extérieure dite d’usage, la plus simple des méridiennes. Sur un mur, est tracé un segment de droite, la méridienne proprement dite, surmonté d’une tige fixée au mur, le gnomon ou le style, ayant à son extrémité un œilleton souvent figurant un soleil. C’est une « espèce de cadran solaire qui marque l'heure du midi par la chute de l'ombre d'un gnomon sur la ligne méridienne » (dictionnaire Littré). Quand, par beau temps, le point lumineux de l’œilleton passe sur la ligne verticale, il est « midi solaire » en ce lieu ; c’est l’instant où le centre du soleil franchit le plan méridien du lieu. C'est donc un cadran solaire simplifié où ne subsiste que la ligne horaire de midi. Devant être plus précise qu'un cadran solaire, une méridienne est plus délicate à installer.

Jusqu’en 1891, en France, l’heure légale est l’heure solaire. Chaque commune a son heure solaire, qui diffère de celle des autres communes par sa différence de longitude. Une méridienne est donc nécessaire pour remettre à l'heure les horloges publiques d’un lieu donné. Mais souvent vers midi, les porteurs de montres ou d’horloges s’assemblent autour pour procéder à leur propre réglage. De la méridienne, nous sont restés les symboles « AM » pour "ante meridiem", avant midi et "PM" pour "post meridiem", après midi mais aussi les mots midi en français (midday en anglais, mittag en allemand, etc.) ainsi que le nom de la sieste « prise vers le milieu du jour », parfois sur une « méridienne » (meuble).

 

Des réglages difficiles

Les horloges mécaniques se règlent donc à partir du soleil. Aussi, Auguste Coutolleau doit de temps à autre venir ajuster sa montre mécanique sur la méridienne pour aller ensuite régler les heures des horloges des églises et autres édifices. Mais il se heurte à deux problèmes.

Entre deux passages du soleil au méridien du lieu (jour solaire vrai), il ne s’écoule pas exactement 24 heures : le jour solaire varie en raison de l’obliquité de la terre (écliptique) et la variation de la vitesse du soleil autour de la terre. Ce que les spécialistes appellent l’équation du temps. L’écart peut aller jusqu’à 21 minutes ; il est en moyenne de + 14 minutes en février, à – 16 minutes début novembre. Alors que les mécanismes d’horlogerie, insensibles aux saisons, toujours réguliers, ne subissent pas cet écart et donnent un temps moyen uniforme. Première source de discordance.

 

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Analème ou analemne d’une méridienne améliorée dite de Fouchy

Des solutions savantes seront données à ce problème en ajoutant aux méridiennes une analème (ou analemne), courbe « en huit », très allongée, non symétrique, traversant la ligne méridienne de part en part. La méridienne est ainsi complétée de l’équation du temps. On passe alors du temps solaire vrai au temps solaire moyen en ajustant l’ombre sur les retards (ou les avances) du soleil vrai par rapport au soleil moyen. D’autres solutions seront données par la suite : électricité, télégraphe, ondes, etc., et imposées par l’implantation nationale du chemin de fer qui feront oublier puis disparaître les méridiennes.

A ce problème scientifique, s’ajoute celui de la synchronisation des horloges des églises distantes d’environ 600 mètres et dont les sonneries de cloche se répondent. Problème plus prosaïque mais perceptible localement à chaque sonnerie. Ainsi en 1866, si la réclamation financière d’Auguste Coutolleau pour le réglage des horloges est acceptée par le conseil municipal, celui-ci demande au maire « d’insister pour obtenir dans la marche des deux

horloges une régularité et un accord qui ont été promis, mais qui ne paraissent pas encore avoir été réalisés ».



Où était placée la méridienne ?

On a oublié la méridienne d’Auguste Coutolleau mais où était-elle installée ? Le mur sur lequel est tracée une méridienne verticale devant impérativement être éclairé par le soleil autour de midi, est généralement orienté plein sud. La lettre du maire indique le mur « mutuel » entre M. Roquet et M. Vilain. Il existe dans le cadastre et ses registres un Louis Vilain, cordonnier à Saint-Pierre et un Louis Villain, fils, cordonnier, rue Nationale possédant une parcelle 467, section C. Un Armand Roquet est propriétaire d’une parcelle 460 voisine. Deux parcelles avec jardins ouvrant vers le sud.

 

A nos lecteurs de localiser exactement ce mur dans le quartier Saint-Pierre qui s’est transformé depuis. Et peut-être la méridienne y aura-t-elle laissé des traces ?

Fragile témoignage d’une histoire du Temps à Cholet ?

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Extrait du cadastre de 1811, section C. AMC 1Fi708


Une autre horloge en Anjou :

Courrier de l'Ouest

30/01/2024 à 05h28

 

Chemillé-en-Anjou. Une horloge de 1840 signée Anatole Coutolleau

En 1838, l’acquisition d’une horloge pour l’église romane Notre-Dame est enfin décidée, après plus de 20 ans d’atermoiements pour remplacer une ancienne horloge antérieure. Le devis présenté par Anatole Coutolleau, horloger mécanicien à Montfaucon, est accepté pour la somme de 1 200 francs. Le devis est très détaillé et comporte 29 articles très précis. C’est une horloge à quarts, installée en 1840. En plus des mécanismes, deux cadrans sont posés : l’un extérieur de 1,50 m de diamètre fixé sur la partie haute du clocher, l’autre de 0,90 m fixé à l’intérieur au-dessus de l’arcade du chœur. Ils sonnent les heures tandis qu’un carillon de quatre petites cloches jouant l’air de l’Inviolata est placé dans la tour du clocher. Entre 1844 et 1865, l’horloge est améliorée et entretenue par son créateur. À la construction de la nouvelle église Notre-Dame, en 1884, l’horloge est abandonnée : le carillon est muet depuis 140 ans.

L’horloge est inscrite à l’inventaire des objets mobiliers du Département depuis juillet 2004, ce qui l’a sauvée car elle était destinée à la ferraille. Cette horloge est très incomplète : il manque des pièces tandis que d’autres sont en piteux état.

Dans le cadre du jumelage avec Aspach, un projet de restauration par le célèbre horloger allemand Alfred Leiter-Schuller avait été proposé, projet qui est hélas resté sans suite après le décès de ce grand ami du patrimoine. Espérons que l’opération conduite par la Région permette enfin de lui redonner vie !

Renseignements : assopatrimoine.chemillois@gmail.com 

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Références :

Toutes les informations proviennent de la correspondance du maire de Cholet (passim) des délibérations du conseil municipal de Cholet ou du Puy-Saint-Bonnet, des actes d’état civil, des recensements AMC - Registre des règlements de la commune de Cholet, 4L2.

Pour l’horloge Coutolleau de Chemillé, voir Le Courrier de l’Ouest 30/01/2024.

Jean Maillard, L’écho des évènements. Ed. ICI, 2025 donne deux autres exemples de l’histoire du Temps à Cholet avec « La montre volée » (p. 29) et « L’horloge de la gare » (p. 87).

Stéphanie Le Gallic, « Entre utopie de précision temporelle et réalité contingente : la difficile synchronisation des horloges municipales de Bordeaux au XIXe siècle. » Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, N°319-320, 2022. pp. 399-416. 


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